mercredi 15 juillet 2015

Lundi, c'est déclencheurs, édition 2015 - 01 - Un protagoniste



Sur une idée de Lionel Davoust,

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015 

01 - Un protagoniste

 

C’est parti pour vingt minutes d’écriture, sans interruption, sur le déclencheur de votre choix.


Je suis Madeg.
Il me reste juste vingt minutes pour vous parler de moi. De mes multiples vies.
Ma vie, mieux qu’un roman, une épopée.
Être breton, avoir un prénom qui veut dire « bon », ça campe le bonhomme, vous ne croyez pas.
Le compte à rebours a démarré. Plus que vingt minutes à vivre ou vingt minutes avant de mourir.
Mais par où commencer.

Par le Héros flamboyant que j’aurais aimé être : sauver la veuve et l’orphelin, me prendre pour Batman ou Superman. Oui, je l’ai été mais juste dans la cour de récréation en maternelle quand j’ai sauvé Margaux auquel l’affreux jojo de Jocelyn tirait sans arrêt sur les boucles dorées. Elle était belle Margaux mais elle ne me regardait même pas.

Par l’assassin professionnel que j’étais devenu des armées de fourmis qui osaient coloniser et élever des pucerons sur les rosiers de Mémé Berthe. Armé de ma bombe, de mon arrosoir, rien ne me résistait. Mon surnom du moment, l’Exterminateur. Mais cela n’a duré que les étés entre mes dix et seize ans quand je passais les vacances chez mes grands-parents.

Le temps presse. Plus que seize minutes pour vous conter ma vie. Mes mains sont moites, ce n’est pourtant pas le moment. Je dois garder la tête froide, malgré les gouttes de sueur qui commencent à perler à mon front.

J’ai été aussi Madeg, l’adolescent hanté par le remords. J’avais tout juste dix-sept ans et je n’ai rien pu empêcher. Mais je n’arrive toujours pas à en parler. Pourtant, il faudrait. Il faut que je soulage ma conscience. Mais non, ce serait trop long à raconter. Le temps presse. Il va falloir que je me concentre, que j’aille prendre ma position, que j’exécute les ordres.

J’ai rêvé aussi un jour d’être en haut de l’affiche, le débutant rêvant de gloire grâce aux histoires que j’envoyais dans les nombreux concours pour écrivaillon. Deux ou trois fois, j’ai été récompensé mais jamais un tirage à des milliers d’exemplaires. Je me suis rêvé grand reporter de guerre, digne successeur de Joseph Kessel ou Jean Lacouture. Je n’ai même pas fait le salon littéraire de mon village. Mes histoires ne les passionnaient pas. Pourtant s’ils avaient su qui j’étais. Tout ce que je racontais, je l’avais vécu. Rien n’était inventé. Mais ils l’ignoraient.

Madeg, le ténébreux et sans conscience, cela a été longtemps mon surnom dans les rangs de la légion où j’avais fini par m’engager. Il fallait que je disparaisse, que je me fasse oublier de ceux qui étaient dévorés par la vengeance. Encore trop long à vous raconter. Plus que cinq minutes avant que je sois en position. Je me concentre, mes mains ne doivent pas trembler.

Je me remets dans la peau de celui que je suis depuis longtemps, trop longtemps, le soldat professionnel que je suis devenu. Mais de sniper, je suis devenu la cible d'un autre. Ma tête est mise à prix. Les minutes sont comptées

Plus que deux minutes avant mon dernier tir.
Ce sera lui ou moi.

Ce sera moi car il me reste tant à vous raconter.




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